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Le lien santé et environnement : exemple des bidonvilles de Manille


Bidonvilles de Manille

Quel est le poids du contexte social et des facteurs environnementaux dans l'état de santé des populations des bidonvilles aux Philippines?

A Manille et au sein des villes voisines, 37% de la population urbaine vit dans des bidonvilles dans des conditions de pauvreté extrême. De multiples facteurs expliquent l'état sanitaire dégradé de cette population. Les principales pathologies recensées dans ces bidonvilles sont par ordre d'importance : les infections respiratoires aiguës ou chroniques (bronchites, pneumopathies), les diarrhées, la dengue, les maladies cutanées et les pathologies parasitaires. Les maladies entrainant le plus de mortalité sont les pneumonies, les infarctus et les cancers. Les enfants souffrent eux essentiellement de diarrhées et de pneumonies (1).

Le lien entre la pauvreté en milieu urbain et la santé

L'augmentation de la population urbaine dans les bidonvilles est issue d'un exode rurale massif et d'une importante augmentation démographique, la mégapole de Manille est estimée à près de 20 millions d'habitants en 2014. Aux Philippines, en 2010 la population urbaine atteignait 63%, elle devrait atteindre 70% en 2050. Un cinquième de la population vit sous le seuil de pauvreté au sein de la capitale (2). Les bidonvilles ne sont plus marginaux et sont des quartiers importants de rassemblement des populations urbaines les plus pauvres. Le lien entre pauvreté et santé a déjà été largement étudié," le cycle de la santé et de la pauvreté" publié par l'OMS (3) l'illustre : une mise à disposition insuffisance de services, des pratiques alimentaires et sanitaires néfastes (motivées par des manques de connaissances et de revenus), une pauvreté en matière de normes sociales, un manque d'infrastructure, la faiblesse des institutions, un environnement local souvent néfaste, un très mauvais accès au système de soin sont à eux tous des facteurs contribuant à de mauvais résultats sanitaires (mauvaise santé, malnutrition, forte fécondité) ; cet état de santé entrainant des revenus amoindris (perte de salaire, frais de santé...); le tout entretenant le cycle. Dans un rapport " La face cachée des villes", l'OMS (4) analyse le lien entre la santé et la pauvreté spécifiquement en milieu urbain. Les habitants des bidonvilles souffrent de précarité sociale et économique qui se manifeste par différentes formes de carences (matérielles, physiques, sociales et politiques). Ces habitants vivent dans des logements surpeuplés et mal construits. Leur santé est mise à mal par un accès limité à l'eau et à des aliments salures, par un assainissement insuffisant, un éclatement des structures familiales traditionnelles, une forte délinquance et un taux de chômage élevé. La concentration de la population est propice à la propagation de maladies infectieuses. Les emplois sont souvent informels, non protégés et peu rémunérés sont souvent liés à des conditions dégradées de travail en matière de sécurité et d'hygiène, se conjuguant aux autres facteurs comme les mauvaises conditions de vie, la malnutrition, l'insalubrité. L'accès aux systèmes de soin est également souvent très limité. La pauvreté relative caractéristique de cette population des bidonvilles (moins de 60 % du revenu médian national) a un lien direct avec un mauvais état de santé et un risque de décès prématuré. Les enfants sont parmi la population la plus vulnérable, le taux de mortalité pour les enfants de moins de 5 ans est presque trois fois plus important dans le quintile urbain le plus pauvre par rapport au quintile urbain le plus riche (4).

Le poids des facteurs environnementaux sur la santé

Un environnement local très dégradé

Les quartiers de bidonvilles, construits souvent de façon illégale, sont caractérisés par une rareté voir une absence d'installations ou de services publiques comme des routes correctes, des systèmes d'égouts, des ramassages d'ordures ménagères, l'électricité sur le réseau et l'accès à l'eau potable. L'étude de Solon (5) a mis en évidence à Manille le l'impact des conditions d'habitat en bidonvilles sur la santé. A titre d'exemple, la dégradation de l'état de santé globale des enfants a un lien de corrélation très fort avec un accès dégradé aux services ou installations publiques. La pollution de l'air s'est aggravée à cause d'une intensification de la circulation à moto dans Manille depuis les années 90. Les problèmes environnementaux sont encore plus prononcés dans les bidonvilles, en effet, ce type de quartiers, sont généralement exclus des normes en matière de pollution (1). Au niveau des bidonvilles, un autre type de pollution de l'air se surajoute, il est en lien avec les activités de brulage des déchets. Les déchets mal évacués s'accumulent également, les conséquences sont d'une part une exposition directe aux agents pathogènes et d'autre part une importante pollution de l'eau, ce dernier problème étant majoré par l'accès incomplet aux sanitaires, d'autant plus pour les bidonvilles installés sur des rives(même en cas de présence de toilettes, l'eau souillée est redirigée directement vers les cours d'eau ). Dans le cas des quartiers côtiers (mer , lagune) l'exposition au risque d'inondation est également augmenté. Les habitants sont aussi tous plus exposés à un risque important de destruction de leur habitat précaire et de ses conséquences en cas de catastrophes naturelles. La pollution de l'air, de l'eau, les pratiques liées à un manque d'hygiène sont autant de facteurs déclenchant ou aggravant de la mauvaise santé physique des individus : 17% des pathologies aux Philippines ont un lien direct avec ces facteurs et 6% des décès (6). La pollution de l'air entraine des pathologies respiratoires aiguës ou chroniques (premières pathologies recensées dans les bidonvilles de Manille) et des problèmes graves cardiovasculaires, l'eau souillée majoritairement des diarrhées (virales, bactériennes) (premières pathologie chez les enfants des bidonvilles de Manille et deuxième chez les adultes) ou encore des maladies parasitaires.

L'impact de l'environnement au niveau "macro"

L'archipel, du fait de sa situation géographique sur la ceinture de feu du Pacifique (7) est exposé aux évènements géologiques (tremblements de terre, éruptions volcaniques, glissements de terrains), météorologiques et climatiques naturels (Typhons, avec le dernier exemple récent en décembre 2014 : le Typhon Hangui). Ce pays est classé douzième au niveau mondial dans l'exposition à ces facteurs de risques naturels (1). Les Philippines étaient classées en 2009 comme le 3ème pays ayant la plus grande mortalité liée aux catastrophes naturelles et le second en nombre de victimes (7). Les scientifiques s'accordent sur le fait que ces évènements naturels sont amplifiés par les changements climatiques actuels anthropogéniques (8, 9, 10,11). Ces derniers peuvent entre autre influencer l'intensité et la fréquence des précipitations, des typhons et cyclones (par modification du phénomène El Nino dans cette zone de l'océan Pacifique), et la température mondiale moyenne. The Lancet (11) a publié une étude en 2009 prouvant le lien de corrélation entre certains aspects sanitaires et l'augmentation de la température moyenne mondiale (11). Ainsi plus la température mondiale augmente, plus le risque de malnutrition, diarrhées, infections cardiorespiratoires et bactériennes, la morbidité et la mortalité liées aux épisodes de canicule et aux inondations augmente. La distribution des maladies à vecteurs (dengue, paludisme...) s'étend sur de nouvelles zones également en fonction de l'augmentation de la température. Les Philippines sont au cinquième rang mondial en ce qui concerne le " Climate Risk Index 2013" évaluant les évènements climatiques et météorologiques d'ampleur par pays (12). Les inondations secondaires aux typhons se sont multipliées depuis les années 2000, et les projections intégrant les changements climatiques, montrent qu'en 2050 à Manille, les inondations devraient augmenter de 42%, cela affecterait environ 2, 5 millions de personnes dans cette ville, en particulier, les habitants des bidonvilles sur les côtes. . Le contexte environnemental global serait un facteur favorisant des pathologies déjà les plus fréquentes dans les bidonvilles et d'une augmentation de la mortalité et morbidité liées aux conséquences des typhons et des inondations.

L'environnement local et global influençant la condition sociale

Le taux de pauvreté aux Philippines est intimement lié aux catastrophes naturelles par lequel ce pays est régulièrement traversé. La tendance entre 1991 et 2006 était à une diminution de la pauvreté dans le pays mais depuis 2006 la tendance s'est à nouveau inversée, la crise économique a certes eu un effet, mais l'OMS identifie comme autres causes les typhons destructeurs de 2009, et les changements climatiques perturbant le phénomène El Nino et ses conséquences (6). Israël en 2014 (13) a étudié l'impact social des catastrophes naturelles aux Philippines, ceux -ci peuvent être de nature socio-économique direct (perte d'un emploi) ou indirect (augmentation du prix des denrées alimentaires) mais également socio-démographique (destruction des maisons) ou encore psycho-sociaux (stress post-traumatique). A l'échelle de Manille, Ballesteros (1) fait un bilan des conséquences sociales de la vie dans l'environnement des bidonvilles : difficultés à faire le ménage, difficultés à avoir des règles entre voisins, vols par les enfants des rues fréquents, risque de viol lié à la promiscuité dans les habitations et , en cas d'inondation des conséquences avérées en perte de journées de travail et de temps de scolarité des enfants.

Conclusion

Cette analyse a permis de mettre en évidence tant le poids des facteurs sociaux comme l'extrême pauvreté, que le poids des multiples facteurs environnementaux comme éléments déclenchant et aggravant les problèmes de santé des populations rurales des bidonvilles des Philippines. Les mauvaises conditions de vie, à la fois sanitaires et sociales, sont entretenues par l'environnement délétère local et les catastrophes naturelles, elles-mêmes amplifiées par les changements climatiques anthropogéniques. Ce constat a été fait par les instances internationales et au niveau des Philippines : des plans d'action de l'OMS (6) ou plus locaux (Cities Climate Change Resilience Network (2) ou Philippines National Environmental Health Action Plan (14)) semblent cibler leurs efforts à la fois sous l'angle de la pauvreté urbaine et sous l'angle des risques sur la santé liés à la pollution et aux changements climatiques.

Auteur : Cécile Mazellier publication pour SFC-Formation-consulting

janvier 2016 http://www.sfc-formation-consulting.fr/ Inspiré d'un travail personnel réalisé au cours du Master Développement Durable et Organisation ( Paris Dauphine Décembre 2014 )

Bibliographie

(1) BALLESTEROS M. (2010) " Liking poverty and the environment: Evidence from slums in Philippine Cities" Philippine Institute For Development Studies, Discussion Paper Series n° 2010-33. (2) MUNSLOW B. and O'DEMPSEY T. (2010) " Globalisation and climate change in Asia : the urban health impact" Third World Quarterly, Vol. 31, n°8, 2010, pp 1339-1356. (3)WAGSTAFF A. ( 2002) " Pauvreté et inégalités dans le secteur de la santé" Bulletin of the World Health Organization, 2002, 80(2): 97-105. (4) Collectif ONU-Habitat et Bureau principal de l'OMS pour l'OMS (2010) " La face cachée des villes : mettre au jour et vaincre les inégalités en santé en milieu urbain" Nairobi, Kenya. (5) SOLON O.( 1989) " The health impact of urban poor housing and environmental conditions" Philippine Institute For Development Studies, Working paper serie n°89-14. (6) Collectif (2011) "WHO country cooperation strategy for the Philippines 2011-2016" WHO. (7) YUMUL P and coll. (2007) "The 2007 dry spell in Luzon (Philippines): its cause, impact and corresponding response measures."Climatic change. 2010. 100:633-644. (8) MORTON O. (2007) "Is this what it takes to save the World" Nature, vol 447, 2007 (9) CRIQUI P. (2014) Economie du développement durable et des politiques énergie -climat. Cours du MASTER DDO 12. Paris Dauphine. (10) Intergovernmental Panel on Climate Change ( IPCC) (2007) Climate change 2007: the physical science basis. In: summary for policymakers, 21pp (11) COSTELLO A. and coll. (2009) " Managing the health effects of climate change" Lancet and University College London Institute for Global Health Commission, Lancet, 2009; 373: 1693-733. (12) HARMELING S. and ECKSTEIN D. (2013) " Globate Climate Risk Index 2013" ,Germanwatch, Federal Ministry for economic cooperation and development. (13) ISRAEL C. and BRIONES R. ( 2014) " Disasters, Poverty, and Coping Strategies: The framework and Empirical Evidence from Micro/Household Data- Philippine Case" Philippine Institute For Development Studies, Discussion Paper Series n° 2014-06. (14) Collectif (2010) Philippines National Environmental Health Action Plan 2010-2013

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